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La Réforme du Cadre Budgétaire et Comptable

Premières remarques

jeudi 22 novembre 2012

Le décret n°2012-1193 du 26 octobre 2012 modifiant l’organisation administrative et financière des établissements publics locaux d’enseignement marque la première pierre de la mise en place de la RCBC

Après un an de formations dans les académies, nous y sommes : les premiers budgets en mode RCBC sont présentés dans les conseils d’administration de nos établissements.

Quels premiers enseignements pouvons nous en tirer ?

Il s’agit là d’une réforme intéressante en terme d’affichage budgétaire et d’autonomie des EPLE. Cependant, on ne peut pas faire le silence sur certaines inquiétudes et quelques déceptions dans la mise en œuvre de cette réforme.

Premier point : l’autonomie de l’EPLE

Alors que cette réforme a été présentée comme un renforcement de l’autonomie de l’EPLE , la façon dont une grande partie des collectivités territoriales a pris en compte cette réforme montre que cette autonomie est menacée. Les collectivités ont surtout retenu la partie "report d’information", partie d’ailleurs inexploitable en l’état, le logiciel n’étant pas prêt à cette possibilité d’extraction de données par les financeurs. Nous observons ainsi une multiplication des consignes de codification des activités de la part des collectivités. Le résultat est parfois, au delà de la remise en cause de l’autonomie budgétaire des établissements, la mise en place de systèmes complexes, notamment en terme de gestion quotidienne.

Un environnement juridique incertain

Le deuxième point me semble encore plus problématique, notamment du point de vue de la responsabilité du comptable. Le décret publié est à la source de deux insécurités juridiques qui peuvent se retourner contre le comptable à l’occasion de l’examen de ses comptes.

Tout d’abord , l’article 11 du décret précise que les dispositions de l’article 5, qui concernent notamment le budget en mode RCB, entrent en vigueur « à une date fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation et du budget, et au plus tard le 1er novembre 2013. » Or, à l’heure actuelle, aucun arrêté n’est en vue. Tous les budgets actuellement votés en mode RCBC ne disposent donc d’aucune base juridique... On peut légitimement se poser quelques questions...*

L’autre insécurité juridique de taille, c’est la fameuse délégation du conseil d’administration autorisant le chef d’établissement à passer des marchés publics, délégation qui devait sonner le glas de l’EPCP, outil d’autorisation barbare et complexe s’il en était. Le modèle revendiqué était celui des conseils municipaux donnant délégation générale au maire pour la passation des marchés publics. Le champ d’application de cette délégation pouvait être, évidemment, réduit à la discrétion du conseil administration.

Or, l’article 3 du décret modifie l’article R421-20 du code de l’éducation

[Le conseil d’administration] donne son accord sur :[...]

d) La passation des marchés, contrats et conventions dont l’établissement est signataire, à l’exception :

 des marchés qui s’inscrivent dans le cadre d’une décision modificative adoptée conformément au 2° de l’article R. 421-60 ;

 en cas d’urgence, des marchés qui se rattachent à des opérations de gestion courante dont le montant est inférieur à 5 000 euros hors taxes pour les services et 15 000 euros hors taxes pour les travaux et équipements ;

 des marchés dont l’incidence financière est annuelle et pour lesquelles il a donné délégation au chef d’établissement.

Cette notion d’incidence financière annuelle est tellement incertaine que la DAF a du donner une explication de texte.

Que ressort-il de son analyse ?

[..]concernant les marchés pluriannuels, il convient de requérir pour le montant global du/ des marchés concernés, l’autorisation préalable du CA.

NB : Il faut entendre annuel comme exercice. C’est à dire qu’un marché qui débute en mars 2013 et qui se termine en mars 2014 est un marché pluri annuel

Enfin, on rappellera qu’une fois que le CA aura autorisé le chef d’établissement à signer les marchés ; l’agent comptable comme auparavant, n’aura pas à s’assurer du respect des procédures de passation des marchés qui relèvent de la seule responsabilité de l’ordonnateur. Il devra toutefois procéder aux contrôles qui lui incombent expressément, conformément aux dispositions du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 et vérifier que les pièces justificatives prévues à l’annexe 1 de l’article D.1617-19 lui ont bien été communiquées par l’ordonnateur.

Il s’agit notamment de la délibération du conseil d’administration autorisant le chef d’établissement
à conclure les marchés, qui sera jointe au 1er mandatement de l’exercice.

Autant dire qu’on est loin du progrès annoncé... L’analyse de la DAF ne sera pas forcément celle du juge des comptes. Et au vu de la rédaction du décret, anticiper sur l’analyse de ce dernier relève de la divination.

C’est donc la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable qui est mise en jeu dans cette affaire. Et c’est lui qui devra batailler avec l’ordonnateur pour obtenir ou non un acte de délégation conforme à ce qu’il aura pu comprendre de cette "incidence financière annuelle". A cet égard, on peut tout aussi bien prendre le contre-pied de l’analyse de la DAF, en considérant que tout contrat a une incidence financière annuelle... Cette rédaction du décret est donc une atteinte sérieuse à l’environnement juridique de l’exercice de nos fonctions comptables.

L’un des objectifs de la réforme n’était-il pas de mettre à disposition des EPLE une règlementation “adaptée et synthétique” ?

Espérons que la rédaction de cet article R421-20 du code de l’éducation sera rapidement rectifiée afin que l’exercice des responsabilités comptables soit simplifié.

* L’arrêté du 26 novembre 2012 fixant la date d’application au 1er novembre pour 2012 pour l’exercice 2013 a été publié au JORF du 13 décembre 2012...